Mésomérie
En chimie, la mésomérie sert à désigner une délocalisation d'électrons dans les molécules conjuguées, qu'on représente par une combinaison virtuelle de structures aux électrons situés nommées mésomères ou formes de résonance.
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- L'EFFET MÉSOMÈRE. La mésomérie est une façon qui sert à décrire le déplacement de certains... elle possède six liaisons carbone-carbone semblables... (source : orgapolym)
En chimie, la mésomérie sert à désigner une délocalisation d'électrons dans les molécules conjuguées, qu'on représente par une combinaison virtuelle de structures aux électrons situés nommées mésomères ou formes de résonance. Faute de moyens graphiques plus simples pour les décrire correctement, la mésomérie est par conséquent une représentation simplifée des dispositifs moléculaires, qui sont plus exactement décrits par des approches de chimie quantique. Le terme «mésomérie» est dû à Ingold mais le terme synonyme «résonance», proposé plus tôt par Pauling, est plus courant en anglais.


Insuffisance des formules de Lewis
On peut quelquefois écrire plusieurs formules de Lewis envisageables pour un même assemblage d'atomes. Dans ces cas, la molécule n'est clairement pas décrite correctement par une seule de ces formes, qui sont appelées formes limites, mais par une combinaison, un hybride de ces formes. En invoquant ainsi plusieurs formules de Lewis, on peut rendre compte de certaines propriétés physiques (charges électroniques, polarité, distances interatomiques, couleur, etc. ) et chimiques (stabilité, réactivité) de certains types de molécules. La mésomérie est symbolisée par une double flèche (), à ne pas confondre avec celle des équilibres (
).
Les formules de Lewis contribuantes ayant leurs électrons situés différemment, la mésomérie entre elles traduit à sa façon la délocalisation électronique. En chimie organique, il s'agit en particulier d'électrons π et d'orbitales p, mais les orbitales d peuvent aussi participer dans les complexes de coordination et les composés organométalliques[1].
Conception des mésomères


Dans les systèmes conjugués, on parle de mésomérie quand dans une structure de Lewis, on a par exemple :
- une alternance doublet liant (π) - liaison simple (σ) - doublet liant (π), comme dans un diène conjugué,
- une alternance doublet libre - liaison simple (σ) - doublet liant (π), comme dans un éther vinylique,
- un couple doublet libre - liaison simple (σ) - orbitale p vide, comme dans le borazole (B3N3H6),
- un couple doublet liant (π) - liaison simple (σ) - orbitale p vide, comme dans l'ion allyle (CH2=CH-CH2+),
- une alternance électron libre - liaison simple (σ) - doublet liant (π), comme dans le radical benzyle,
On passe d'une forme mésomère à une autre en utilisant une flèche courbée pour indiquer le déplacement d'un doublet d'électrons (libre ou liant) ou par une cascade de telles flèches, ou des demi-flèches indiquant le déplacement d'un seul électron dans le cas des radicaux, pour établir ou défaire des liaisons π. Les exemples ci-bas sont illustratifs. La séquence des flèches n'est pas importante. Cependant, la mésomérie impose de ne casser aucune liaison σ (sigma) pour passer d'une forme à une autre[2]. Dans le cadre de la mésomérie, les liaisons σ peuvent être vues comme définissant un squelette sur lequel se déplacent les électrons π.
L'importance de la contribution de chaque mésomère à la structure réelle peut fluctuer, puisque certaines formulations seront obligatoirement plus énergétiques, à cause d'un nombre inférieur de liaisons chimiques par exemple, et par conséquent moins probables que d'autres. On considère tandis que certaines structures seront «majoritaires» et d'autres «minoritaires» et que la structure réelle sera une moyenne pondérée de l'ensemble des structures contribuantes, mais ressemblant plus aux structures «majoritaires» et moins aux autres. On attribue par conséquent aux formes mésomères une «probabilité» ou «poids», selon certaines caractéristiques. Contribueront plus les mésomères qui :
- respectent au maximum la règle de l'octet (on préfère avoir 8 électrons autour de chaque atome plutôt que des lacunes ou des hypervalences),
- sont pourvus d'un minimum de charges électriques (on préfère une structure entièrement neutre à une structure faisant apparaître une séparation de charge +/-),
- placent les charges électriques sur les atomes les plus aptes à les soutenir (une charge négative sur un atome électronégatif et réciproquement).
La structure réelle est alors une combinaison linéaire de ces structures contribuantes, dont l'apport de chacune est évalué de manière qualitative selon ces caractéristiques et qui ressemble à sa stabilité.
Exemples


- Le benzène : Un exemple classique est donné par les formes de Kékulé du benzène. La molécule de benzène est fait d'un hexagone parfait d'atomes de carbone, avec 6 liaisons carbone-carbone semblables, et non une alternance de liaisons courtes (doubles) et de liaisons longues (simples), comme le laisseraient penser les deux formes limites prises séparément. Les deux mésomères majoritaires sont semblables et de même poids, et la longueur des liaisons C-C est intermédiaire entre celles d'une liaison simple et d'une liaison double.


- L'ion acétate : L'acidité bien plus grande des acides carboxyliques comparé à celle des alcools est explicable en partie par la mésomérie. Par déprotonation, un alcool donne un alcoolate dont la charge ne peut pas être délocalisée, tandis qu'un acide carboxylique donne un carboxylate pouvant présenter des formes mésomères avec distribution de la charge négative sur les deux atomes d'oxygène, ce qui confère plus de stabilité[3]. L'atome d'oxygène chargé porte trois doublets et agit en donneur π, tandis que l'autre oxygène est accepteur π[réf. nécessaire];. Ici aussi, les deux mésomères majoritaires sont semblables, ils ont le même poids et on peut alors correctement prédire que les liaisons carbone-oxygène seront semblables et de longueur intermédiaire entre celles d'une liaison simple et d'une liaison double (ce qu'on représente fréquemment par une deuxième liaison hachurée).


- Le radical allylique : Comme dans les cas de l'acétate et le benzène, les formes mésomères de ce radical sont semblables. Ce radical jouit d'une stabilité accrue, en comparaison avec d'autres, parce que l'électron solitaire est distribué et l'octet incomplet est partagé.


- Les énolates : Ces espèces sont les bases conjuguées des énols, qui bénéficient, comme l'acétate, d'une stabilisation par mésomérie. Par contre, les deux mésomères ne sont pas de poids égaux, compte tenu de la plus grande électronégativité de l'oxygène, et cette stabilisation n'est pas grande (les acidités des alcools et des énols sont plutôt voisines). Cependant, la mésomérie permet de expliquer la réactivité ambidente des énolates, qui réagissent comme nucléophiles à l'oxygène ou au carbone, selon les conditions de la réaction.


- L'ion cyanate : La mésomérie dans ce cas explique sa réactivité ambidente, car cet ion peut donner lieu à des composés cyanates et isocyanates par réaction de l'azote ou de l'oxygène, selon les conditions.


- Les amides : L'azote, avec son doublet libre, est un donneur π et l'oxygène est accepteur π[réf. nécessaire]; (car sp2). Il en découle une double liaison partielle entre N et C, qui explique la rigidité de cette liaison vis-à-vis de la rotation (15 kcal/mol ou 60 kJ/mol à peu près de barrière énergétique), et une liaison C=O affaiblie, ce qui explique l'absorption en infrarouge par le groupement carbonyle à plus grande longueur d'onde comparé à une cétone. Cette mésomérie explique aussi le fait que l'azote dans une amide est nettement moins basique que dans une amine, puisque son doublet est partiellement délocalisé, et que lorsque une amide réagit avec un électrophile, c'est l'atome d'oxygène qui agit en nucléophile.
Ce que la mésomérie n'est pas
La double flèche qui symbolise la mésomérie, les flèches courbées qui montrent les déplacements électroniques qui génèrent un mésomère à partir d'un autre, et le terme malencontreux résonance suggèrent tous un va-et-vient entre formes limites, une sorte de vibration apparenté au phénomène physique de résonance, comme l'avait imaginé Kekulé. Cependant, un tel échange dynamique serait associé à une énergie et pourrait habituellement être ralenti ou même arrêté, tandis que le concept moderne de mésomérie est strictement statique et nie tout déplacement.
Rapport avec la stabilité
La mésomérie est une figuration de la délocalisation qui peut servir à expliquer ce qu'une seule formule de Lewis ne peut pas expliquer, mais elle n'explique pas le pourquoi de la délocalisation. Lorsque une mésomérie est indispensable pour expliquer quelque chose, on est porté à croire que la mésomérie est stabilisante. En effet, la règle générale veut, que pour un type d'espèce chimique donné, que l'espèce avec d'avantage de mésomères sera plus stable qu'une autre avec moins de mésomères. Mais cette règle ne permet pas de comparer un mésomère «majoritaire» avec un «minoritaire», et il est impossible de quantifier la stabilisation. Quoiqu'on peut concevoir de «poids» relatifs pour chaque forme majoritaire or minoritaire, on ne peut pas représenter ces poids, et la mésomérie ne précise pas non plus la distribution électronique de la structure hybride.
La théorie des orbitales moléculaires permet la quantification de la stabilisation qui résulte d'une délocalisation, de visualiser et de préciser la distribution électronique résultante, mais aussi de mesurer les distances et angles interatomiques. Le mélange d'orbitales atomiques par recouvrement dans l'espace créent des orbitales dites moléculaires, liantes, non-liantes et anti-liantes, qui expliquent non seulement les liaisons π (et autres), mais également la stabilisation par conjugaison. Cette théorie peut aussi décrire l'hyperconjugaison, ce que les formes mésomères traduisent avec difficulté.
Calculs des poids
Le calcul des poids des formes mésomères peut se faire de différentes façons, ab initio avec des méthodes dérivées de Valence Bond, ou avec une méthode dérivée des approches Natural Bond Orbital (NBO) de Weinhold NBO5, qui procède principalement par projection de la densité électronique délocalisée sur les formes situées représentatives des structures de Lewis.
On peut aussi accéder à ces poids par des calculs empiriques (Hückel). Un logiciel conçu pour l'étude des poids de la mésomérie basé sur la méthode de Hückel est disponible sur le site de HuLiS
Notes et références
- Le concept de mésomérie a permis de décrire qualitativement de façon satisfaisante de nombreux exemples parmi ces derniers types de molécules, avant la large diffusion des approches de chimie numérique pour l'étude des structures moléculaires. On peut aussi dire que les liaisons σ peuvent être rompues dans des formes mésomères pour exprimer la dichotomie liaison covalente - liaison ionique, sauf dans le cas d'un lien entre atomes semblables.
- Certains, par exemple Wade, exigent aussi qu'il n'y ait pas de déplacement des noyaux atomiques, et par conséquent pas de changements dans les états d'hybridation des atomes (car ceci génèrerait un changement de géométrie et par conséquent des changements de position des atomes liés). Cependant ce genre de déplacement est admis, puisqu'on admet qu'il y ait des liaisons doubles et courtes qui deviendront simples et plus longues dans une forme mésomèrique, et vice versa. Donc, dans le cas d'une amide, par exemple, on peut formuler un mésomère avec un azote sp3 alors que l'autre est sp2 ; la forme hybride réelle sera quelque part entre les deux, avec un azote moins pyramidal qu'un sp3 pur (à géométrie tétraédrique idéale), mais moins plat qu'un sp2 pur (à géométrie trigonale idéale). Les hybrides sp3 et sp2 qu'on mélange pour faire des orbitales moléculaires π (et qui ne sont eux-mêmes que des mélange d'orbitales atomiques s et p) donnent une hybridation intermédiaire entre sp3 pur et sp2 pur ; cette nouvelle combinaison d'orbitales atomiques serait normalement moins stable, mais, dans le cas d'une amide, il permet une interaction avec le dispositif π de la fonction carbonyle voisine, ce qui est stabilisant.
- L'acidité accrue est aussi due à la présence d'un deuxième atome électronégatif.
Bibliographie
- (en) L. Pauling The Nature of the Chemical Bond, Cornell University Press (ISBN 0801403332) ;
- (en) L. G. Wade, Jr. Organic Chemistry, 6th ed. Prentice-Hall, 2006 (ISBN 0-13-169957-1) .
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